Aaaah
je viens de me ventrer une moussaka Findus, je vous dis pas
je me suis régalé. Très bonne marque, Findus ! Je me demandais confusément, aussi
: mais où sont passées les boucheries chevalines de mon enfance ? Il y en avait une dont la façade de faïence rouge et blanche s'ornait d'un grand fer à cheval, ex porte-bonheur sil en fut. L'on y faisait la queue pour s'offrir les bienfaits de la protéine équine. Quand un type était en pleine forme, entreprenant, dynamique, on lui demandait sil navait pas mangé du cheval tellement il pétait le feu... Bref, rien que des connotations avantageuses à propos de ce distingué animal de boucherie que personne ne rechignait à consommer. Ma mère me préparait aussi du foie de veau quelle poêlait à feu vif et accompagnait de son écrasée de pommes de terres au beurre, un concept assez éloigné de la purée Mousseline ; elle dorait aussi des tranches de pain rassis sur lequel elle disposait une cervelle d'agneau saisie sur tous les lobes, cuit le centre de la docilité mimétique, cuit le centre du bêlement monocorde, cuite la circonvolution de la fuite programmée et de la victimisation au loup
et avalés, tous, après les avoir généreusement arrosés de citron de sel et de poivre et saupoudrés de persil haché.
Du boudin sanguinolent, aux pommes, aux oignons ou aux piments, de la tête de veau, qui ravigotait ou pas, que sais-je, moi, tous les petits oiseaux que je mangeais, dont les délicieuses grives au feu de bois tirées à la passée, planqués derrière les cades du mazet d'André après une après-midi de galéjade pagnolesque à se défier à la pétanque. Et la rarissime et si fine bécasse, mets des rois et des chasseurs. Des barbares, quoi
Et puis soudain, toutes les petites filles ont voulu devenir vétérinaires, se sont mises à coiffer leurs nounours, ont voulu caresser des lapins qu'espeillait autrefois lou papé dans la cuisine, sur une table déjà en formica recouverte de papier journal qui s'imbibait des humeurs de garenne, après qu'il ait traversé le séjour avec panpan suspendu par les oreilles, et ce bruit sourd dont on se doutait qu'il avait compromis la santé du lapin familial. Panpan finissait écorché, dans le four, tartiné de moutarde et c'était aussi un peu à lui, au plaisir convivial et gustatif dont il était le centre, qu'on levait le verre de Côtes du Rhône qui désaltérait le bonheur d'être ensemble. On s'en régalait avec les parents.
L'autre jour, une des cousines de Louise séjournait chez nous. Douze ans, maigre comme un clou, refusant de manger toute forme de viande sous quelque forme que ce soit. Troisième fracture du poignet par carence de protéines, elle triait dans son assiette les morceaux de cadavres d'animaux dont elle déblatérait par d'approximatives démonstrations qu'on pouvait s'en passer, d'autant qu'elle consommait du poisson.
- Sauvage le poisson ?
Que j'ai demandé incidemment...
- Oui, sur le marché de Mende on a une poissonnière qui vient de Sète chaque semaine
Eh bien tu as tout faux, alors
- Comment ça ?
- Ben oui, tu t'interdis de manger de la viande soit ce qui est facilement reproductible, issue d'animaux qu'on élève facilement et de l'autre côté tu contribues à épuiser la ressource naturelle dont la vie est un combat si difficile en milieu sauvage.
ça lui a filé un coup à la pré-pubère écolo babacool anorexique d'inspiration ardécho-lozérienne post Woodstockienne... dans la foulée on a récupéré sa part dans l'assiette et on se léchait ostensiblement les doigts après avoir saucé les miasmes affreux des reliefs du petit cadavre élevé pour notre plaisir.
La radio m'indique à l'instant que dans les raviolis Panzani, de l'a dada aussi ! Au cas où des gros naïfs pensaient qu'on laissait pourrir sur place 400 kilos de barbaque au lieu de les vendre... bon, sûr que le fait de ne pas le dire, c'est pas cool, d'autant que tout le monde appréciait ces produits finalement, et donc ce scandale ne va-t-il pas devenir une formidable opération de promotion de viande chevaline au final ? J'en hennis de plaisir, de la contradiction humaine, les ventes des boucheries chevalines parisiennes montent en flèche : ah ben tiens, maintenant qu'on sait qu'on en bouffait à tout berzingue du canasson, voyons un peu quel goût ça a tel que, en steack, d'autant que mamie toujours insistait en remarquant le teint de porcelaine de sa citadine de petite fille et préconisait un bon filet d'haridelle à l'ancienne pour lui redonner du rouge aux joues !
Bon, nous autres aficionados, on savait, hein, que la sensibilité des gens avait changé. On voyait bien que les salauds d'afiocs applaudissaient à s'en filer des ampoules quand on tuait un vilain toro tout noir, que les parisiennes se pâmaient de frissons clitoridiens devant le courage viril des Hidalgos en pantalon moule-bite et que les mondanités reprenaient en tendido, mais alors, si jamais un cruel batacazo retentissait, qu'un pauvre petit cheval empêtré dans ses culottes tardait à être redressé, quelle bronca des indignés humanistes associés !!! Le mega-scandale affreux !!! Savez quoi ? Y'a des ruades qui se perdent et des écolos par nécessité et non par conscience civique du côté de la Roumanie, à qui on a interdit de rouler dans leurs charrettes de pauvres... la Dacia pour tous, c'est maintenant... alors tu parles, déjà le type il a pas de quoi becqueter pour lui, pourquoi entretiendrait-il un cheval qui ne lui sert plus à rien ? Il l'a donc libéré d'un coup entre les deux yeux, à l'abattoir, qui, pas bégueule, a ceinturé ses installations d'une haute muraille pour ne pas heurter la sensibilité de tous les gentils ressortissants de la CEE sur la corrida cachée de ses matadors pneumatiques et gratifié le gentil propriétaire soudain dépourvu d'affection pour son dada, de quelques euros salvateurs. La boucle est bouclée. Et où c'est-y donc qu'il serait approprié de fourguer le muscle équin haché menu sans faire avaler aux enfants des bobos parigots que le gentil Vidourle du poney-club a des chances de finir dans son petit ventrou ?
Bolo, ravio, cannello, lasagno, moussako, boulo, ectero et si ça se trouve momo, fais gaffe, t'ont mis du porc dans ta Kefta.