samedi 17 septembre 2016

Fadeur Contre Fadeur


 Le toreo, l’exercice du seul contre six notamment, c’est comme le tennis ou le golf : c’est d’abord contre toi que tu te bats. Sauf que, pour mettre les choses à plat, si tu risques l’épicondylite ou le lumbago avec les baballes, c’est ta vie que tu peux déposer aux sabots des toros. Ce ne sont pas que des mots, l’actualité vient de nous le rappeler. Donc, de toutes façons, respect et bravo.

Seulement voilà, le spectacle est cruel car à celui bien à l’abri sur son tendido, les lacunes sautent aux yeux. Il était louable de choisir des Albasserada très bien présentés mais ceux-ci se sont avérés peu bagarreurs et sans l’inlassable pugnacité du sang Domecq, eh oui, enfin de la portion d'entre-eux capables d’étaler toute ''la race de leur colère''.

En préalable, pour situer, on était en toreo 2.0 encore dit ''moderne'' : de profil, d’assez loin, jambe de sortie effacée.

‘’Baratero’’ le premier, sortit de la première pique à genoux et la seconde fut seulement mimée ce qui ne l’empêcha pas de s’écrouler dès la deuxième série prudente. Dans l’interview donnée dans le canard local, le maestro souhaitait un bon premier toro pour, d’emblée, convaincre, lancer le solo vers la gloire. Sans doute que dans la bouche d’un torero, un bon toro est un toro doux, de grande toréabilité ou un truc de ce genre. Un truc à rééduquer gentiment. Privés d’émotion et de suspens on attendait donc qu’il en termine avec ses séries accrochées dans le vent convoqué pour épousseter le ciel.

Ce qu’il fit avec une deuxième demi-épée molle comme une montre de Dali et deux descabellos : un toro pour rien.

‘’Carpintero’’ c’était, plus veleto que moi tu meurs. C’est bien simple, quand son museau était face au lycée Daudet, les pointes de ses cornes regardaient l’Esplanade. Aucun risque de vuelta de campana et pour encorner quelqu’un il aurait fallu qu’il lèche d’abord le sable. Par contre, encorné, il était difficile de s’imaginer pouvoir s’en décrocher un jour… Toujours rien au capote comme tout au long de la course. Six fois rien. Rien de marquant ou d’artistique, oui, le vent, ok, mais bon… rien. Simulacre de pique, entame à la barrière, séries enchainées des deux côtés, changement de mains recto-verso, todo bueno, pero sin profondeur. Mort à la première épée et descabello. Oreille.

‘’Bartero’’ saute la barrière exactement face à mon ami Nicolas abonné du premier rang. Une sorte de mécène, quoi… C’est vrai qu’il est sympathique et qu’on a envie de lui sauter au cou, surtout les femmes. Mais bon, maintenant il a trouvé, ça va, n’insistez pas… Ma voisine d’amphi – eh oui, ça y est, je suis pauvre à nouveau – trouve ça génial. Je parle du toro. Y’a des connaisseurs. C’est vrai qu’au moins, il vient de se passer quelque chose… Première pique carioquée pour calmer le foufou, deuxième, ''régular''. Ce qui est joli dans le style de Castella, c’est cette capacité qu’il a au milieu d’une série, à ralentir une passe isolée qui du coup, apparaît magique.

La faena 2.0 se dilue de désarmés en rafales de vent à contrôler fissa. Les musicos jouent pour se réchauffer et nous persuader qu’on se régale… Metisaca et deuxième concluante pour bartero qui s’en va mourir aux planches.

‘’Aviador’’ le quatrième, est le chef d’escadron. C’est celui qui m’a le plus intéressé. Dans ce senior toro il n’y a plus aucune puérilité, le tio est conscient, avisé, sérieux. Il est né en janvier 2011 et traîne ses cinq ans et neuf mois – pour vous économiser le calcul – avec circonspection, en pleine capacité à relativiser le talent des ''vedettes''. Là, plus de simulacre : une première carioquée pour châtier, une deuxième de plus loin, une troisième devant la présidence depuis le centre de l’ovale, prise au galop. Ce toro ne tombe pas et le vent est enfin tombé. Tout le monde pense – enfin j’espère- Castella, c’est le moment de nous prouver qui tu es ! Va-t-il comme on est en droit de l’attendre dans un tel exercice choisi et convoqué par lui, nous donner rendez-vous avec l’abnégation et l’héroïsme avec lesquels – toujours l’interview du canard local – il veut marquer l’Histoire de la tauromachie ??? Las, c’est plutôt le toro et le vent qui se renforcent dans l’adversité. Le tio lui booste des retournés rapides dans les chevilles à chaque passe et le zeff envoie des cites à contre-temps. Ideal tout ça pour se montrer maestro… mais pas d’arrimon à l’horizon, pas de gnaque, pas de pugnacité au combat, n’est pas Nimeno II ou Rincon qui veut. On est assez vieux pour pouvoir comparer, c’est ça l’emmerdant. Désarmé, profilé, loin…

‘’Madrono’’ le désarme encore, n’essuie que deux séries, ne sera jamais dominé, c’est peut-être difficile de se récupérer de la rencontre avec ‘’Aviador’’…

Encore désarmé à la préparation de l’entrée à matar puis une première demi épée qui permet – en toreo 2.0 parce qu’on en a connu des situations de plus de pundonor – de descabeller. Pétition incompréhensible si ce n’est due à l’aveuglement de l’amour, quasi, ou de coller à l’évènement annoncé histoire de ne pas donner l’impression de passer à côté, allez savoir ou bien encore que votre serviteur soit complètement largué en 2.0, c’est fort possible. Obtenu, le cartilage ! Question probable de goal average media.

Un type passe et repasse devant nous, cognant nos genoux, écrasant nos pieds, un espagnol lui lance :

  • Encore ? j’espérais que vous étiez parti !
  • Non, je cherchais le ‘’Bierero ! ‘’

Maintenant, on se gèle vraiment, on baille, ‘’Tomatillo’’ le mansito d’en bas n’est pas très concerné, on l’oblige à quatre rations ferrugineuses tandis que passe dans les airs Bob l’éponge shooté à l’hélium qu’une petite main encore ignorante des toros a laissé s’échapper au grand dam de parents qui avaient accepté le racket de cet achat de vent. Soudain des naturelles accrochées puis pures au centre du cirque dont une, j’ai bien dit une, enfin citée suerte chargée. Un redondo raté quand somme vingt heures à la cloche. Quart d’épée à la deuxième tentative, aussi inutile qu’un centre de déradicalisation, ''justifiant'' le descabello. Un type gueule : Casas, un brindis !

On s’en va, on se gèle, encore habillés d’été, on a faim, on a envie de pisser, c’est la bousculade dans les couloirs aussi noirs qu’Aviador, des escaliers romains qu’on dévale puis remonte serrés comme des anchois, éclairés par les lamparos des smartphones car la populace n’a pas droit à l’électricité des gradins numérotés. Castella est-il sorti à hombros ? On n’en sait rien et on s’en fout car quoiqu’on lise demain, il n’a convaincu personne, sans démériter, avec toutes ses qualités, sans toros pour aider mais il faut bien le dire sans grande personnalité, fadeur contre fadeur. Pourtant, devant moi, le blouson d'un type l'indiquait : Faites que cela arrive. Mais ça n'est pas arrivé. Dans le ciel tourne un hélicoptère de la gendarmerie dont le vrombissement nous rappelle à la laideur de la vie, à toutes les lâchetés, les compromissions coupables, les couardises ordinaires, tout ce qu’on ne veut pas voir, restant là, à applaudir bêtement, par principe, en croyant y échapper.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour M Delon
Pas facile de faire une resena pour ce type de corrida qui a donné des satisfactions certes, mais dont on ressort néanmoins avec une impression d un quelque chose d inachevé. Tout d abord je dois avouer que je n ai suivi cette tarde que par internet et si je n ai pas tout à fait éprouvé les mêmes sensations que vous qui étiez sur les gradins, la différence peut s'expliquer vraisemblablement par cela.
1er toro faible que Castella a du toréer à mi hauteur, je suis d'accord avec vous, il n'y avait pas grand chose à en tirer.
2e toro, collaborateur à souhait et bon toro (selon les critères de torero, pas forcément pour un aficionado)qui a permis a Castella de faire ...du Castella à savoir ce qu'il fait plus ou moins habituellement avec les JPD et autres.
3e toro plus dans le comportement des Adolfo, bronco, tardo mais que Castella cite en se croisant parfois un peu (il y est obligé sinon le toro ne vient pas)et qu'il réussit à "adoucir" pour nous dessiner quelque passes selon les habitudes prise par la plupart des toreros dits modernes.
Sort le 4 et là on voit que cet Adolfo est certainement l'Adolfo de la tarde et je suis 100% d'accord avec la description que vous en faites. On assiste d'ailleurs à un bon tercio de piques qui me satisfait, tout comme vous je pense,démontrant la bravoure du toro. Vient la faena de muleta ou Castella, dès le début se fait rappeler à l'ordre par le toro sur les 2 cornes, et là l'aficionado se réjouit en pensant comment va t il faire pour résoudre le problème? Et là j'ai été agréablement surpris par le travail de Castella, lui qui n'a pas l'habitude de ce type de toro, il réussit à "l'amèliorer" notamment sur la corne droite en se croisant (parfois), en le citant de face (plusieurs fois) et il parvient à nous dessiner une bonne faena domineant ce toro pas évident du tout au départ. Dommage qu'il ne soit pas revenu sur la gauche mais n'est pas Lamelas qui veut (pour prendre des références plus récentes mais moins célèbres bien que j'ai moi aussi l'age pour avoir connu Nimeno et Rincon).
Effectivement il aurait pu se croiser davantage, mettre la jambe et charger la suerte, mais j'ai trouvé que c'était quand même pas mal car il est parvenu à dominer le sujet malgré un tio qui n'a cessé à aucun instant d'être dangereux. A mon humble avis il méritait une oreille à ce toro et je n'ai pas compris que le public ne la demande pas et/ou que la présidence ne la lui octroie pas.
Patrick Sabatier 13300 Salon de Pvce

Anonyme a dit…

suite:
Je passe surle 5 sans doute un peu vite expédié et le 6 dont vous faites une description que je partage.
restent les mises à mortoù là, il y a effectivement un blème mais,même si je ne vais pas le voir souvent, même peu, c'est récurrent chez lui, le bon coup d'épée du premier coup étant plutôt rarissime me semble t il. Cette lacune l'a privé hier d'autres oreilles que le public nimois habituellement bon enfant n'aurait pas manqué de réclamer s'il y avait eu plus de succès lors de cette suerte.
Globalement, il est vrai que selon ce qui était écrit dans la presse locale (que je n'ai pas lue mais je vous fait confiance), on pouvait espérer davantage du torero, plus d'arrimon comme vous le soulignez, plus de jambe contraire en avant mais Castella a fait tranquillement du Castella (cf le redondo au 6 je crois), il est vrai sans se sortir les tripes (à prendre au sens figuré bien sur), mais il l'a fait et s'en est plutôt bien sorti. A aucun moment je n'ai trouvé cette tarde ennuyeuse (il est vrai que j'étais installé sur mon fauteuil moelleux et non sur les dures pierres de l'amphi et que cela peut y aider) et je pense que par rapport à ses confrères Manzanares, Perera, Talavante, Morante et sutout Juli (dont on dit qu'il est capable de toréer tous les toros, eh bien qu'il le fasse alors, mais j'attends toujours), lui , Castella, a eu le mérite de s'y mettre devant.Le challenge n'était pas évident!
Alors oui, c'est vrai une certaine fadeur mais pas tant que ça quand même, c'est selon son tempérament, selon son caractère un peu comme l'histoire du type qui juge son verre à moitié vide et l'autre qui le juge à moitié plein: celui qui pense que la corrida est essentiellement un art n'est pas totalement satisfait et il en est de même pour celui qui pense que c'est avant tout un combat.
P. Sabatier

Anonyme a dit…

Suite et fin:
Pour moi qui appartient à la 2eme catégorie citée précédemment, je l'ai trouvé PROFESSIONNEL, ni plus ni moins (ce qui est déjà bien) dans cette tarde, ce qui est loin, malheureusement d'être le cas pour ses confrères lorsque par hasard et sans l'avoir voulu, ils croisent au travers de leurs routes des toros compliqués et très dangereux (cf Morante de la Puebla bien souvent par exemple)
Selon mon humble avis Patrick Sabatier 13300 Salon.

el Chulo a dit…

C'est quoi les Adolfo Martin?
Je déconne!!!!!!!!!!!!!!!!

Marc Delon a dit…

des petits escargots gris

Anonyme a dit…

un type a dit (sais plus qui)des "Victorino dégriffés"; Pas sympa du tout ça hein? Albin F

Marc Delon a dit…

A P. Sabatier : effectivement j'ai été un peu injuste pour le 4e où j'aurais pu dire que sur deux séries il est parvenu à hauteur de la difficulté... le souvenir m'en est revenu... mais quand même, il y avait trop de toro pour lui sur l'ensemble, je trouve